--> Comprendre les crises (57) Immortalité de l’incertitude
13 fév 2020
Comprendre les crises (57) Immortalité de l’incertitude

Mettre fin à l’incertitude dans la prise de décision et particulièrement dans la gestion des crises majeures est plus qu’un horizon.C’est un objectif pour tous les décideurs. L’exploitation d’immenses bases de données semble désormais à notre portée avec l’aide de puissants algorithmes donnant corps à l’intelligence artificielle.
Ces avancées participent de ce qui a été baptisé NBIC Convergence, appellation pour désigner les intrications entre nanotechnologies, biologie, technologies de l’information et les sciences cognitives.
Cette intrication soulève nombres de problèmes qui touchent à l’éthique, au fonctionnement de nos sociétés, à la démocratie, au consentement à la sécurité ….
Nul ne peut garantir aujourd’hui des garde-fous suffisants pour encadrer ce traitement massif des données et ses incidences sur nos vies. La seule certitude est que l’intégration des causalités dans les algorithmes des traitements data permet de réaliser des prédictions et que la tentation sera de plus en plus forte d’élargir le champ de ces prédictions.
S’il est anodin de construire un outil de prédiction pour gérer des flux d’usagers, il faut s’interroger sur la manière de le faire. Par exemple gérer les flux d’un service d’urgence hospitalière peut entrainer des pertes de chance pour certains individus qui arriveraient dans le service dans un créneau de moindre présence des personnels soignants (ce qui serait tout à fait explicable d’un strict point de vue de l’outil prédictif mais beaucoup moins d’un point de vue éthique …). Que dire de l’utilisation de tels outils pour disposer de moyens de réponse à une crise ou pour s’y préparer….
Rien n’est moins sûr également que les algorithmes soient exempts de biais cognitifs car ils sont bien des constructions humaines à leur racine. Il est intéressant à ce titre de lire les travaux de l’Institut Rathenau sur le sujet. Ils ont été publiés en 2014 à la suite d’une initiative prise par le Conseil de l’Europe et ils participent aux réflexions conduites autour du projet « Making Perfect Life », porté par l’unité d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (STOA) du Parlement européen.
Il faut aussi prendre en compte le risque de corrélation aberrante qui peut conduire à présenter des convergences à partir de données hétéroclites (par exemple le nombre de divorces et la consommation de margarine dans l’État du Maine sont parfaitement corrélées…).
Les espoirs de réduire les incertitudes par les outils de convergence NBIC doivent être également tempérés par le constat que tout progrès en engendre un autre…. C’est ce constat qui fait que l’homme depuis son apparition est engagé dans une quête du divin dont l’atteinte constituerait le progrès ultime. Cette quête étant infinie, l’homme est un insatisfait, capable du meilleur comme du pire et à ce titre, il est un créateur infini d’incertitude.
Comme nous savons la quête de Dieu infinie, celle de la connaissance l’est tout autant et c’est heureux car cela constitue le moteur de l’innovation. Si un jour nous découvrons notre origine et celle de l’univers, il y aura fort à parier que la fin du vivant sera alors proche.
C’est en cela qu’il faut intégrer l’incertitude dans la prise de décision et se dire qu’il y aura toujours le risque du pire ou du meilleur dans les situations les plus complexes car c’est cela qui rend l’homme humain. Vouloir traiter l’incertitude avec les seules ressources des traitements massifs de données me semble être le moyen le plus sûr de créer encore plus d’incertitude destructrice.

En savoir plus sur :
Incertitude ; Big Data ; Convergence NBIC
Site Tylervigen sur les corrélations aberrantes
https://www.tylervigen.com/spurious-correlations
Convergence NBIC
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01364860/document
Institut Rathenau ; Rapport au Conseil de l’Europe :
Convergence NBIC_ Comité de Bioéthique
https://rm.coe.int/rathenau-report-f/1680307576

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