--> Comprendre les crises (66) Relire « Décision publique en situation d’incertitude ».
20 mar 2021
Comprendre les crises (66) Relire « Décision publique en situation d’incertitude ».

Onze ans après sa publication en 2010, la publication du Comité de la Prévention et de la Précaution sur le thème de « La décision publique en situation d’incertitude » est à relire avec intérêt.

Ce document n’a pas pris de ride d’autant qu’il répondait à l’époque à une commande des pouvoirs publics qui souhaitaient disposer d’une réflexion méthodologique visant à « clarifier la problématique et les modalités de la décision publique en situation d’incertitude, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre le principe de précaution » pour reprendre les termes de la préface.
La crise COVID 19 qui n’en finit pas de s’étirer illustre malheureusement les difficultés de la prise de décision dans un tel contexte. Nous avons sous nos yeux la démonstration, quasiment chaque jour que l’évolution de la situation est tributaire de facteurs multiples dont la connaissance est lacunaire.
Le document de 2010 rappelle opportunément qu’incertitude n’est pas synonyme d’ignorance. L’incertitude qualifie une situation dont le décideur ne maitrise pas l’ensemble des facteurs qui la caractérise.
La grande difficulté réside dans la communication qui doit partager autant que faire se peut les limites des connaissances existantes. Cela vaut pour le décideur afin qu’il puisse faire le meilleur usage possible des informations dont il dispose mais aussi pour les citoyens qui sont en droit de connaître les limites expliquant la décision qui leur sera imposée.
La stratégie de prise de décision et, par enchainement, de communication doit pouvoir faire apparaitre le pourquoi de la prise de décision publique. Si cette dernière poursuit obligatoirement un but d’intérêt général, dans le cas actuel, la préservation maximale de la santé du plus grand nombre, il faut néanmoins que chacun d’entre nous puisse facilement identifier le fil conducteur qui donne de la cohérence à la prise de décision et surtout qui la rend acceptable.
Quand il y a incertitude, les décisions vont pouvoir se ranger dans trois grandes catégories : celles justifiant ne pouvoir rien faire en l’état des connaissances, celles relevant de mesures de prévention et enfin celles relevant du principe de précaution. Ces trois catégories s’inscrivant elles-mêmes dans un cadre temporel à double entrée permettant d’identifier les actions temporaires et les actions pérennes.
Respecter un tel schéma n’est pas sans difficulté car la dimension d’une crise complexe et longue telle que nous la vivons n’est pas circonscrite à son seul champ sanitaire, mais déborde sur les champs sociaux, sociétaux, économiques et culturels pour ne citer que les principaux. Cela veut dire que le même effort pédagogique doit être réalisé dans ces champs pour que les citoyens puissent comprendre les interactions que le décideur doit également piloter.
Le document de 2010, formalise ce processus global qui est un idéal. La réalité vient toujours rappeler que lire un mode d’emploi n’est pas suffisant pour garantir un bon fonctionnement que ce soit pour une machine ou pour une prise de décision.
La complexité à gérer est telle qu’il est indispensable de disposer d’un cadre d’action robuste garantissant l’acceptabilité des décisions et en creux l’acceptabilité de l’erreur. Ce qui est insupportable c’est l’opacité, même et surtout l’involontaire, ressentie par chaque citoyen qui ne pourra identifier facilement transparence, cohérence et explication dans la décision à laquelle on lui demande d’adhérer.
Pour y parvenir il ne faut jamais oublier pour un décideur de se projeter à la place des administrés et de communiquer vers eux avec ce prisme. C’est une donnée élémentaire mais encore trop souvent négligée. Il faut aussi investir sur le long terme le champ de l’éducation et de la formation pour que chacun, quel que soit son niveau de responsabilité, soit en mesure de débattre, y compris avec lui-même, des choix qui président à notre vie en société. C’est à ce prix que nous pourrons surmonter de mieux en mieux les crises longues et difficiles qui s’annoncent pour le futur et qui finiront par détruire le « vivre ensemble » si nous ne prenons pas la mesure du défi de la connaissance auquel nous sommes confrontés de plus en plus durement.

En savoir plus :
Lire le rapport du Comité de la Prévention et de la Précaution
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CPP%20avis%20201003.pdf

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